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Extrait Le roman de la révolution numérique de Stéphane Ternoise (oui, difficile d'ouvrir un livre au hasard...)
XXIV Le salon du livre de Paris
Kader était parti durant la nuit pour arriver le dimanche 18 mars au Grand Palais, Porte de Versailles, où il pensait jouer la vedette sur le stand d’Amazon, la grande curiosité annoncée, la première participation du géant américain au salon du livre de Paris. 80 m2. Il adorait rouler la nuit. Sur ce point également, tout mon contraire. Il changeait les plaques de sa voiture et fonçait à presque deux cents kilomètres heure…
Je me suis levé tôt et après une douche proposais à Amina de m’accompagner pour une longue marche. Elle refusa, fatiguée, et encore trois paquets de copies à corriger.
Ce fut une magnifique matinée d’Amour. Sûrement notre plus longue conversation de ces 19 jours. Mes pensées m’ont inquiété : j’avais l’impression d’avoir entendu tout cela tellement de fois ! Dépasser quarante ans c’est devenir sceptique aux rêves d’une jeune femme ? C’était beau, elle rêvait d’amour pur et sincère, fusionnel et "éternel" mais j’avais la désagréable sensation que la réalité se chargerait de nous interdire l’accès d’une telle utopie, et même que nous vivions là nos plus beaux moments ; je ne pouvais m’empêcher de revenir à ces jours "au chalet." ; oui, nous avons vécu de merveilleux moments, Amina et moi, et elle a tout gâché avec son exigence puis ses trahisons… ; qui furent sûrement inévitables pour elle dans son état d’esprit d’amoureuse incapable de se donner à l’amour et voulant tout détruire pour ne plus y penser ; Nadège, je ne peux pas t’avouer que je me demande comment tu vas tout gâcher… ; comme Amina l’est de sa religion, tu es prisonnière de Kader… Je la caressais, la dévorais. J’avais conscience de vivre un instant paradisiaque, de la nécessité de profiter de chaque seconde… cette conscience me dérangeait, certitude d’avoir perdu une certaine spontanéité… En même temps, je me rendais compte d’être si souvent passé à côté de la conscience du bonheur, de m’en être rendu compte trop tard. Je vivais encore plus intensément qu’avec Amina au chalet. L’expérience ! On gagne en capacité d’apprécier ce que l’on perd en spontanéité ! Je n’ai pas le droit de me plaindre, je suis heureux ! Même s’il fallut bien "rentrer."
Amina me montra son inquiétude… ostensiblement...
- J’avais peur que tu sois tombé en grimpant sur la colline. Tu as encore cherché un dolmen ?…
- Que je meurs avant un contrat de mariage "au dernier vivant" je comprends que ça t’angoissait !
- Tu me crois vraiment intéressée !
- Non, sinon tu n’aurais jamais quitté un homme qui gagne 6 000 euros par mois pour un écrivain sous le seuil de pauvreté ! Mais tu croyais en l’Amour, en ce temps-là !
- Et tu penses que je n’y crois plus ?
- Eros über alles : l’amour au-dessus de tout…
- Je vais corriger mes copies…
- Tu étais inquiète au point de ne pas pouvoir corriger des copies !
- Non, Kagera a téléphoné… sa sœur est de plus en plus malade… mais je sais que tu t’en fous de sa famille, encore plus que de la mienne…
- Tu n’étais pas en train de me parler d’amour ?
- Si le téléphone sonne, tu veux bien décrocher, car elle doit me rappeler pour me donner des nouvelles.
- Mais bien sûr, à ton service… J’aurais peut-être dû emporter un sandwich et passer la journée en balade puisque ça va encore être un dimanche chacun de son côté.
- Ne recommence pas, j’ai du travail.
- Je sais, et ce matin tu avais Kagera au téléphone.
- Arrête d’être jaloux de mes amies, je ne les vois jamais, je suis tout le temps avec toi.
- Sauf quand tu es à Prayssac, à Addis-Abeba ou ailleurs !
- Tu ne vas pas recommencer.
- Et n’hésite pas à m’écrire une lettre d’amour, je la lirai avec attention.
Quand je repense à ce genre de dialogue, je me trouve naturellement fautif, trop provocateur. Mais il me suffit de l’englober dans tout ce que fut notre histoire pour me juger naïf (et plus si cruauté mais moins en resituant dans un contexte de compréhension de la nature humaine où Amina représentait un étrange cas d’observation dans ma quête d’un personnage féminin tiraillé entre deux cultures malheureusement inconciliables) d’avoir continué aussi longtemps en sachant que ça ne mènerait nulle part.
Réagissez avec des mots
-- du 12 octobre 2014 à 11 : 34
par annie : Je suis entiérement d'accord avec vous, la télévision française n'est pas du tout démocratique dans la manière dont elle présente l'édition... faites comme moi, ne la regardez plus !
-- du 05 octobre 2014 à 18 : 50
par Pascal : Face aux écrivains de la télé... on essaye de grapiller des miettres...
-- du 29 aout 2013 à 11 : 48
par Corinne : Je viens de terminer le roman de la révolution numérique et je comprends (sans leur pardonner) que les journalistes de Monde et compagnie vous censurent. C'est de la dynamite votre livre ! Puissent l'ensemble des écriv ains s'en inspirer et raser ce vieux monde de clientélisme et de clans. Corinne
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